Je vous avais promis il y a bien longtemps un nouveau témoignage sur les brimades dont j'ai été la victime de la part de mes parents. Or voici que la Reine de l'Iode nous demande quelles sont nos habitudes quant à la légende du Père Noël : doit-on s'aligner sur la majorité et y faire croire nos enfants ou non ? Pour ma part, ce choix n'est pas encore à faire ; en revanche il a été fait il y a bien longtemps par mes parents, et la réponse était : pas de père Noël à la maison, sauf dans les livres...
Vous imaginez bien évidemment les remarques extérieures : pas tellement de mes grands-parents maternels, pour qui la chose était entendue ; ni de mes grands-parents paternels, qui avaient bien compris qu'ils n'auraient pas leur mot à dire, mais bel et bien de la part de personnes totalement étrangères à cette décision.
Mais peu importent les importuns, ce qui compte, c'est comment je l'ai vécu. Vous l'aurez compris, très bien. Il faut dire aussi que pour nous, pour notre cellule familiale de base en tout cas, fêter Noël, c'est commémorer la naissance et donc l'incarnation de Jésus. Point barre. En aucun cas un événement dont il faudrait "préserver la magie", puisque de magie il n'y a point. En revanche, l'ambiance festive est importante. Alors oui, préparer sa maison tout comme on prépare son coeur, installer la crèche pour matérialiser l'attente, décorer le sapin et la couronne de l'Avent tout comme on prépare une jolie décoration lorsqu'on invite quelqu'un, offrir des cadeaux aux personnes que l'on aime pour leur montrer cet amour... toutes ces traditions, nous les reprenons à notre compte, en complément des Messes. Mais parce qu'elles ont un sens. Le père Noël n'en a pas pour nous. Tout comme un calendrier de l'Avent qui ne commencerait que le 1er décembre d'ailleurs... (donc chez nous, calendrier estampillé catho ou fait maison). Ce n'est pas une question de "mensonge", car je pense que les légendes et les mythes ont leur importance dans la construction de la personnalité d'un enfant, mais autant les cloches qui reviennent de Rome avec du chocolat sont en adéquation avec la manière dont nous vivons Pâques, autant le père Noël ne l'est pas avec celle dont nous vivons Noël. Pour le côté commercial mais aussi pour l'importance qu'il prend au coeur de la fête. Et ça, je reste persuadée que les enfants le sentent bien, dès tous petits.
Bien sûr, il est impossible d'échapper aux multiples avatars du père Noël tout au long de cette période. Maman a donc toujours été claire sur le sujet : le père Noël, c'est un personnage de légende, dérivé de Saint Nicolas, héros de multiples histoires parfois très différentes les unes des autres (vous ne vous êtes jamais demandé comment un enfant pouvait accepter de lire dans un livre que le père Noël avait une multitude de lutins pour l'aider ; dans d'autres il cohabite avec une sorcière dans une petite cabane au milieu de la forêt, et dans d'autres encore il habite un immense palais de glace ?). Elle ne nous a donc jamais empêchés d'y croire, mais il ne faisait pas partie de notre manière de fêter Noël. Et comment expliquer son intrusion dans une fête chrétienne ? Rien de plus simple : une pâle copie de Saint Nicolas.
(dans mes souvenirs, le sous-titre proclamait même
La véritable histoire du Père Noël)
Et les cadeaux dans tout ça ? Offerts par les grands-parents et les parents. Que l'on apprend ainsi aussi à remercier, tout simplement.
Pour en revenir aux importuns : leur principale crainte est bien souvent de deux ordres : que l'enfant perde en imaginaire et en "magie", et qu'il empêche les autres enfants qui y croient de profiter de cette légende. A mon humble avis, ces craintes sont plutôt infondées. Pour l'imaginaire et l'ambiance de Noël, rien que l'histoire de la naissance de Jésus est assez extraordinaire (une naissance dans une mangeoire, des anges qui chantent gloire à Dieu, de l'or, de l'encens et de la myrrhe (tryptique qui sonne bien souvent comme une formule magique aux oreilles enfantines), et j'en passe) ; en ce qui concerne l'ambiance, les chants et les décorations de Noël sont sans doute bien suffisants. Quant à trahir le "secret" auprès des autres enfants, il faut déjà que l'enfant soit assez grand pour comprendre que d'autres vivent Noël différemment, et que les enfants en parlent entre eux. Et j'ai bien peur que, quand ils commencent à en parler, c'est que certains ont déjà des doutes... A mon sens, si les choses sont bien claires pour les parents, elles seront expliquées clairement aux enfants, qui sont tout à fait à même de comprendre que d'autres croient en quelque chose d'inexistant. Mais que le leur dire risque de leur faire de la peine. Pour ma part en tout cas, je n'ai pas souvenir que ni moi, ni aucun de mes frères et soeurs n'ait provoqué de drame autour de nous... et le seul "mauvais souvenir" que j'aurais à ce sujet serait plutôt d'avoir dû affronter les remarques, au collège, de ceux qui ne comprenaient pas pourquoi mes soeurs ne croyaient pas au père Noël. Et qui devaient en fait, quelque part, regretter d'avoir perdu leur innocence enfantine puisque cela coïncidait bien souvent avec la prise de conscience des problèmes familiaux qui rejaillissent à ces périodes.
Justement, peut-être par contrecoup, j'aurais plutôt tendance à blâmer ceux qui surenchérissent sur l'existence du père Noël (maîtresses, autres parents, etc.). Après tout, on nous empêche bien souvent d'évoquer le moindre élément de notre foi au nom du sacro-saint laïcisme, quand bien même il s'agit d'expliquer dans un musée qui est le monsieur sur la croix ; pourquoi serions-nous obligés de croire au Père Noël ? Et de nous sentir mal à l'aise de ne pas faire comme la majorité ?